dimanche 23 novembre 2014

Paroles de soignants

Je pourrais, à l'image des profs, tenir mon carnet de "perles de soignants"... ça y ressemble un peu, juste un peu.

♦ L'autre jour j'avais un vêtement dont une maille avait sauté. Et vu comme on tire dessus c'était sûr que si je n'y mettais pas un point ça aller filer dans tous les sens (c'est le moment de le dire). A l'occasion d'un passage de Karine, infirmière, lui montrant l'objet du délit, je lui demande :
- vous n'auriez pas une aiguillée de fil dans le service, que je mette un point pour arrêter cette maille ?
- ah non, on n'a pas ça ici... vous savez coudre...
Je n'ai pas su distinguer si le ton induisait un point d'interrogation ou un point d'exclamation, mais j'étais sidérée devinant au-delà de sa réflexion qu'elle ne savait pas coudre. Comment se peut-il qu'une jeune femme d'une trentaine d'années, mariée, avec probablement des enfants, ne sache pas mettre un point à un vêtement, juste stopper un maille... recoudre un bouton ? Vraiment cette génération est déconcertante !
Heureusement que le chirurgien, lui, a pris l'option couture à la fac de médecine, sinon on était mal partis !

♦ Ce week-end ma voisine est partie en permission, je suis donc seule dans la chambre... et ne m'en plains pas. Non, elle est sympa la voisine, juste un peu bavarde. Karine, encore, à l'occasion d'un soin me dit :
- ah mais vous êtes toute seule là, ça va ?
- oui, ça va très bien
- c'est vrai que la vie en communauté c'est pas toujours simple...
oups, et on a embrayé toutes les deux ensemble :
elle : oui, c'est vrai que... et moi : je suis bien placée pour savoir...

♦ Ce matin, avec Christelle,
- vous m'autorisez à aller à la messe à la chapelle aujourd'hui ? (il faut sortir et marcher un peu)
- oui, bien sûr
- merci
- (après une seconde de silence) vous aurez un p'tite prière pour nos deux p'tits Messieurs ?
- ? ? ?
- oui, on a eu deux décès hier après midi dans le service
- ici, là, à l'étage ?
- oui, le p'tit Monsieur d'en face, celui qui criait tout le temps, et un autre plus loin.
J'ai repensé avec amertume à l'agacement que me causait ce voisin d'en face, au début surtout, quand il criait des heures durant, y compris la nuit. Ce n'étaient pas des cris de douleur, mais des appels à une présence près de lui, il semblait ne pas supporter d'être seul.

La pensée de cet homme m'a habitée durant toute la messe, il n'a cessé d'être présent, lui surtout, même si je ne l'avais jamais vu, mais tellement entendu. Et voilà, je ne l'entendrai plus... J'espère que pour lui la solitude est finie et qu'il est en paix.

En rentrant de la messe, j'ai croisé Christelle et lui ai dit que j'avais prié pour les deux p'tits Messieurs...
"Ah, merci" m'a-t-elle répondu.
Et je me demande encore comment comprendre ce "merci".




dimanche 9 novembre 2014

J'lui dis... ou j'lui dis pas ?...

On est arrivées quasiment en même temps toutes les deux dans cette chambre de convalescence qu'on va partager quelques jours. Le temps de s'installer, de faire les formalités et l'heure du diner est vite arrivée. Brefs échanges pour faire un peu connaissance, le minimum. Ce n'est que le lendemain que je me suis rendue compte que ma compagne était du genre "je raconte ma vie", ce qui n'est pas tout à fait le mien. Je la laisse parler, elle est inépuisable, et un peu épuisante... jusqu'au moment où elle dit avoir perdu ses parents jeune, élevée par une grand mère et placée d'institutions religieuses en institutions religieuses. Je sens le vent tourner et me doute un peu de la suite. En effet, j'ai un long couplet sur les sœurs : elles étaient dures, et puis les sœurs, y en a des qui sont pas mal mais alors les autres... y en a qui sont vraiment pas commodes... Je souriais intérieurement : si elle savait...

Juste après j'ai mis ça sur Facebook, en terminant par : "Hum... je lui dis ?"
J'ai été littéralement harcelée par mes amis, avec beaucoup d'humour certes, mais c’était clair qu'il fallait que je décline mon état. J'ai même eu les conseils de Koz (et la griffe de Koz sur mon mur, ça vaut un autographe !). Pourtant je n'en avais pas vraiment envie.
Leur harcèlement m'a fait réfléchir. Et après tout pourquoi pas ? C'est une occasion de témoignage qui m'est offerte... et puis au seuil de l'année de la vie consacrée je ne vais quand même pas me défiler !
J'ai quand même attendu qu'une occasion se présente (malgré les conseils audacieux de certains), le passage d'un membre de l'aumônerie de l'hôpital pour la communion dimanche, par exemple.
En fait, je ne sais même plus comment c'est venu, mais au détour d'une de ses phrases, après déjeuner, j'ai abattu mes cartes. Ça a fait juste un petit blanc dans la conversation. Elle ne m'a même pas demandé, comme habituellement dans ce cas, de quelle Congrégation j'étais, elle a embrayé sur la personne de l'aumônerie puis la série de questions habituelles des gens pas tout à fait dans l'Eglise et qui ne comprennent pas ce qui s'y passe. La personne qui est venue ce matin, elle fait quoi, elle est diacre ? Elle peut pas être diacre ? C'est quoi un diacre ?... et l'ordination des femmes... ben il y a bien des femmes qui sont ordonnées... et les divorcés-remariés dans l'Eglise... et si un divorcé-remarié meurt, il pourra "passer par l'église" ?... et les suicidés, avant, ils n'avaient pas le droit de "passer par l'église" (exemples à l'appui)... Assaut de questions auxquelles j'ai essayé d'apporter des réponses simples, aussi justes que possible et pas trop longues... puis la conversation a dévié sur autre chose.

Voilà, j'ai donc tombé le masque et ça ne s'est pas poursuivi comme je supposais, mais qu'importe. Elle a posé ses questions c'est cela qui compte et la porte reste ouverte. C'est fou les questions que se posent les gens ! c'est fou l'ignorance qui demeure alors qu'on se bat pour se faire comprendre, être à leur portée. La nouvelle évangélisation  a encore de belles heures devant elle !

Merci les amis Facebook pour votre harcèlement ! ;)