jeudi 21 mars 2019

Laisse-toi émerveiller par la rencontre

Après la réunion de la matinée qui m'avait valu ce déplacement éclair à la capitale il me restait tout l'après-midi avant de reprendre le train du soir. J'avais quelques projets et tout d'abord le déjeuner avec Anne-Lise qui m'a emmenée dans un minuscule restaurant chinois. Je connaissais le japonais, mais avec elle j'ai découvert le chinois avec son poulet au caramel et la joie d'un partage de ce qu'elle vit avec bonheur à Paris. Et de fut la première rencontre.

Église St Ignace, Paris 6e
Quelques rapides emplettes plus tard le hasard guida mes pas jusqu'à la jolie église St Ignace que je n'avais pas encore vue depuis sa restauration. La verrière, l'éclairage changeant donnent toute sa beauté au lieu qui devient apaisant et porte à la prière… et porte la prière. Et là j'ai soudain pensé qu'un autre hasard pourrait me faire rencontrer Isabelle qui vient souvent par là. Ça serait chouette si on pouvait enfin se rencontrer IRL* : il y a si longtemps que nous nous suivons sur internet, que son blog est l'un de mes préférés. Merci Facebook d'avoir fait le lien aujourd'hui et d'avoir permis cette belle rencontre même si elle fut brève. Et ce fut la deuxième rencontre.

Il me restait encore du temps avant le train, j'ai donc poussé quelques pas jusqu'au Bon Marché où je n'avais pas mis les pieds depuis très longtemps. Qu'est devenu le Bon Marché de mon enfance ! S'il portait bien son nom autrefois plus rien à voir aujourd'hui qu'il est devenu magasin de grand luxe où l'on croise plus de Japonais et de Chinois que de Français. Nostalgie ! Mon bon vieux Bon Marché comme tu es défiguré, comme ton nom te va mal désormais ! Et là je n'ai rencontré personne !

Ouf ! me voilà dans le train. Pensant profiter de quatre places à moi seule voici qu'au dernier moment deux hommes s'installent à mes côtés avec agitation et grands gestes. J'ai vite compris qu'ils sont sourds-muets. Muets mais pas aphones, tout au moins l'un d'eux. Et les voilà qui communiquent entre eux, sans arrêt avec gestes amples et brusques. Au bout d'une heure, un peu lasse, je songe à changer de place quand le train s'immobilise en pleine campagne. Évidemment ils n'entendent pas le message du chef de bord et c'est alors que le voyageur de l'autre côté de l'allée leur montre son smartphone avec la raison de l'arrêt. S'ensuit un échange entre les trois hommes à coup de smartphone, de gestes et de mimiques. Parce que les sourds-muets, ils ont chacun leur smartphone ! Et ça a duré un moment. Peu à peu leurs grands gestes m'ont moins importunée. Puis ils ont joué avec leur smartphone, se prenant en photo… ratée… ce qui m'a amusée. On a même essayé de communiquer un peu : où sommes-nous ? Où descendez-vous ?... et on descend tous à la même gare…
Grâce au troisième larron mon regard sur eux avait changé. Je les avais adoptés. Quand le chef de bord a annoncé un retard de 15 mn je leur ai écrit sur un papier, et le voisin d'en face en a fait autant sur son smartphone. Comme une complicité était née. Leurs gestes et leurs cris rauques ne m'énervaient plus.
Il me restait une heure de voyage pour rendre grâce pour cette magnifique journée. Au moment de descendre, à la même station tous les quatre, nous nous sommes serré la main. Et ce fut la troisième rencontre !

* IRL, in real life, dans la vraie vie, en oppotition à URL, sur le web

jeudi 7 mars 2019

Haro sur l'omerta dans l'Eglise

Mardi soir j'étais de ce 1,48 million de personnes qui ont regardé "Religieuses abusées, l'autre scandale de l’Église"*. A une heure de grande écoute Arte diffusait ce 5 mars un documentaire effrayant sur les religieuses abusées, résultat de deux ans d'enquête en France et dans différents pays.

Quelques articles et commentaires lus auparavant m'avaient avertie d'un documentaire difficilement supportable. J'en suis quand même sortie effrayée et blessée, "sidérée, hébétée" pour reprendre les mots de Sœur Véronique Margron**. Les mots ne sont pas trop forts.

Oui, insoutenables les témoignages recueillis. Ces femmes, religieuses, abusées sexuellement par des prêtres, pendant des années, en toute impunité. Et parfois avec la complicité de leurs supérieures. Et s'il leur arrive d'être enceintes c'est soit le renvoi discret soit l'avortement forcé. Quand on connaît la position de l’Église sur l'avortement cela s'ajoute à l'horreur. Il arrive aussi que des Instituts soient très dépendants matériellement et financièrement d'évêques ce qui conduit parfois à une forme de prostitution, d'esclavage sexuel...  

Quelle force avait donc cette emprise de soi disant accompagnateurs spirituels pour que ces femmes ne trouvent pas la force, la liberté de les quitter ? L'une des témoins parle d'hypnose...
Quelle formation ces femmes ont-elles reçue pour ne pas dénoncer par peur de blesser, pour subir ces sévices comme épreuve de leur vocation et de leur chasteté, pour ne pas se révolter sous couvert d'obéissance ?
Comment ces hommes pouvaient-ils en conscience être ministres des sacrements et violeurs, allant jusqu'à donner un sacrement moyennant contrepartie sexuelle ?
Pourquoi ce déni de l’Église face aux plaintes répétées depuis de nombreuses années ? Que vaut la parole des victimes dans une Église qui prêche l'attention et le soutien au pauvre, au petit, à l'humilié, au prisonnier ?...
Qu'est-ce que la femme, qu'est-ce que le corps de la femme pour ces hommes pervers, qui plus est hommes d’Église ?
Oui ces témoignages sont bouleversants et posent d'innombrables questions.

Douloureux constat auquel les religieux/religieuses veulent délibérément faire face et en premier lieu tout faire pour que les victimes puissent parler et être entendues, qu'elles soient accompagnées. Favoriser une formation ouverte et plurielle dans les séminaires et les noviciats avec une vraie éducation à la liberté. Être vigilants sur ce qui peut être abus de pouvoir, abus spirituel qui sont une porte ouverte sur les abus sexuels.

Que de vies brisées et de souffrances. Plus jamais ça ! Ensemble et en Église menons ce combat.



* Ce documentaire est disponible en replay sur Arte jusqu'à début mai 2019
** Sœur Véronique Margron, Présidente de la COnférence des Religieux et REligieuses de France (CORREF)