dimanche 7 juin 2020

Soutenir la démarche d'Anne Soupa... ou pas ?...

Voici déjà plusieurs jours que cette nouvelle court les différents médias et suscite son lot de réactions. Provocante Anne Soupa vient de poser sa candidature à l'archevêché de Lyon devenu vacant après la démission du cardinal Philippe Barbarin le 6 mars dernier. Et c'est sérieux : elle va "envoyer [au Nonce(1)] une profession de foi, un programme pour Lyon, une biographie et un communiqué de presse".

Quand j'ai vu la première fois l'annonce succincte de cette candidature à l'épiscopat lyonnais j'ai commencé par hausser les épaules et rigoler avec une pointe d'agacement. Puis j'ai pris connaissance d'une interview dans laquelle elle s'explique.

Son approche fait choc  et elle sait très bien que dans le contexte actuel de la théologie et du droit canonique sa demande n'aboutira pas, même si elle est bien motivée, mais c'est une façon hardie de relancer la réflexion.

Si à première vue on peut penser à l'ordination de femmes il ne semble pas que ce soit sa préoccupation principale. Il ne s'agit pas que des femmes soient ordonnées et prennent la place des  prêtres, ce serait encore cléricalisme, ce contre quoi elle s'insurge, mais que les femmes trouvent leur place et apportent  leur contribution à la vie de l’Église sans revendiquer l'administration des sacrements. Il s'agit donc plus largement de la place des laïcs et de l'avenir de la gouvernance de l'Eglise.

Pourquoi Lyon ? Parce que le poste est actuellement vacant et que cette vacance est en lien avec la faillite des derniers évêques dans la gestion des affaires de pédophilie dont ce diocèse est entaché.

Par sa candidature de femme laïque elle remet en cause le mode de nomination d'un évêque, dans une procédure fermée et secrète, elle appelle à sortir du circuit hermétique du  cléricalisme. « Être évêque n'est pas affaire personnelle. Si le processus de désignation reste vertical, sans que le peuple concerné soit à l'initiative, que ce soit une femme apporte peu de chose. C'est une conception cléricale et non collégiale » (Isabelle de Gaulmyn). Le problème n'est pas (uniquement) le problème de la femme dans l’Église, mais plus largement celui des laïcs et de la place qui leur est donnée. Il s'agit de briser le cléricalisme et la toute-puissance qui lui est liée. "L'enjeu n'est pas de cléricaliser les femmes, mais de décléricaliser l’Église" (Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran).

Certes la place des femmes dans l’Église est une question, mais quand on aura donné leur vraie place aux laïcs celle des femmes suivra. Comment penser l’Église de demain, comment penser autrement sa gouvernance, voilà la question que soulève notre candidate. Est-il possible de penser une distinction entre ministère ordonné et service de gouvernance ? Comment articuler autrement sacerdoce-sacrement-pouvoir ?

Je ne me battrai pas forcément pour l'ordination de femmes mais pour qu'elles aient davantage de place dans la vie et le fonctionnement de l’Église. La remise en cause est profonde, il y va de la distinction du pouvoir lié à l'ordination, de la suprématie du clerc.

A moins que la toute récente démarche de la Conférence des Évêques d'Australie n'ouvre une autre porte ?...


(1) Nonce : agent diplomatique du Saint Siège, accrédité comme ambassadeur du pape auprès des États.


Texte de candidature d'Anne Soupa (24 mai 2020)

Pourquoi je suis candidate à être archevêque de Lyon ?

Constatant qu'en 2020, dans l'Église catholique, aucune femme ne dirige aucun diocèse, aucune femme n'est prêtre, aucune femme n'est diacre, aucune femme ne vote les décisions des synodes,

Considérant qu'exclure la moitié de l'humanité est non seulement contraire au message de Jésus-Christ, mais porte tort à l'Église, ainsi maintenue dans un entre soi propice aux abus,

Considérant que je ne suis ni une inconnue, ni une apparatchik de couloir, mais que j'agis dans mon Église depuis plus de 35 ans, sur le terrain, comme bibliste, théologienne, journaliste, écrivain, présidente pendant 8 ans de la Conférence des baptisé-es, et présidente actuelle du Comité de la jupe,

Tout m'autorise à me dire capable de candidater au titre d'évêque, tout me rend légitime. Or, tout me l'interdit.

Si ma candidature est interdite par le droit canon, c'est tout simplement parce que je suis une femme, que les femmes ne peuvent être prêtres et que seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l'Église catholique.

Considérant que dire « non » à cette interdiction m'est un devoir, à la fois pour cette Église que j'aime et pour l'ensemble des catholiques dont je suis la sœur,

Considérant qu'il est de ma responsabilité d'être « serviteur de la Parole » et de rendre compte de l'espérance qui est en moi,

J'ose donc me porter candidate pour occuper une charge de gouvernement dans l'Église catholique.

Certains diront que ce geste est fou ; mais ce qui est fou, c’est que cela paraisse fou alors que cela ne l'est pas. N'y aurait-il qu'un seul modèle d'évêque, celui d'un homme célibataire, âgé et tout de noir vêtu ? Pourtant, quel gain ce serait d'oser offrir d'autres visages à cette fonction !

Considérant par ailleurs, qu'être prêtre est une chose, et que gouverner en est une autre, que deux papes ont déclaré close la question de l'accès des femmes au sacerdoce, mais que le pape François a demandé aux théologiens de mieux distinguer prêtrise et gouvernance afin de faire une place pour les femmes,

Je constate que rien n'a été fait en ce sens depuis 7 ans. N'y aurait-il que ma candidature à répondre à l'appel du pape ?

Gouverner un diocèse ne requiert d'être prêtre que parce que le droit canon en a décidé ainsi. Mais la fonction d'évêque existait bien avant le droit canon ! Les Douze compagnons de Jésus n'étaient pas prêtres, Pierre était même marié. Depuis la plus haute antiquité, l'évêque (l'« épiscope ») est un surveillant, un protecteur qui observe et veille sur la cohésion et la rectitude doctrinale d'un ensemble de communautés. En quoi un laïc ne pourrait-il pas assurer cette fonction ?

Pourquoi candidater à Lyon ? Parce qu'à Lyon, quatre archevêques successifs, Mgrs Decourtray, Billé, Balland, Barbarin, ont failli dans leur tâche première, celle de protéger leurs communautés. Les bergers ont laissé les loups entrer dans la bergerie et les prédateurs s'en sont pris aux petits. Comment aujourd'hui redonner une légitimité au corps épiscopal ? Comment les catholiques du diocèse de Lyon, laïcs et prêtres, qui aspirent tous à une parole vraie, libérée, dans une communauté soudée, pourront-ils de nouveau faire confiance ?

Pourquoi candidater maintenant ? Parce que l'Église catholique continue à nourrir un cléricalisme pourtant dénoncé par le pape : abus en tous genres, sacralisation du prêtre, esprit de division

Sachant et considérant toutes ces choses, je me porte candidate à l'archevêché de Lyon, non de mon propre chef, mais parce que certains de mes proches m'y ont conduit.

Ma démarche, je l'espère, sera utile pour toutes les femmes qui, aujourd'hui, sont assignées et bridées dans leur désir de responsabilités.

Je les invite donc à candidater partout où elles se sentent appelées, que ce soit à devenir évêque ou à toute autre responsabilité qui leur est aujourd'hui interdite


lundi 16 mars 2020

Raconte-moi ta Bible

Je n'ai pas l'habitude de reprendre ici les articles de mes amis blogueurs, mais là quand même c'est moi qui cause ! alors je me permets...

Et puis c'est aussi une occasion de faire connaître le très beau blog Au large biblique de mon ami François 😉


Blog Au large biblique de François Bessonnet





samedi 14 mars 2020

Coronavirus et Carême

L'heure est grave, le Président de la République a parlé et donné des consignes, et là, depuis 48 h, ça prend vraiment des allures de sérieux.
Mais justement depuis qu'il a parlé, tout cela me met de plus en plus mal à l'aise. Je suis de plus en plus partagée entre prudence et ne pas céder à la panique.
Oui, j'étais... je suis... de ces récalcitrants qui pensent qu'on en fait trop, que les médias nous abrutissent de sinistres statistiques plus ou moins justes, que tous les ans la grippe fait ses ravages et tue et que celle-là est juste un peu plus sérieuse. Sous-entendu, bien sûr, elle ne passera pas par moi.
Et puis tout le monde ne l’attrape pas et 90 % de ceux qui l'attrapent en guérissent...
Je ne veux pas me laisser piéger et je me défie de la surenchère émotionnelle des médias.  Les journalistes sont des « marchands d’angoisse » disait René Barjavel.

Depuis l'intervention du Président de la République jeudi soir, tout s’accélère. Les plus réservés lui font écho et prennent des mesures draconiennes, et je pense en particulier aux dispositions prises par l’Église, qui cependant ne fait qu'appliquer les consignes nationales.

Alors aujourd'hui j'oscille toujours entre prudence (pour moi et pour les autres) et audace : "ça ne m'arrivera pas, ça ne peut pas m'arriver".
Parce que je n'ai pas connaissance de cas autour de moi, je doute...
Parce que j'ai la chance d'être en bonne santé et d'avoir encore plein d'activités, je doute...
Parce que, finalement, je ne vois pas trop de sinistrose autour de moi : les magasins ne sont pas aussi dévalisés que Twitter voudrait me le faire croire, les gens autour de moi restent calmes, j'ai la chance d'être dans une zone encore peu touchée... je doute...
Parce que je ne veux pas passer pour une trouillarde, je doute...
Demain, vais-je savoir me contenter de la messe à la télé comme cela m'est "fortement conseillé" ? Cette semaine aurai-je le courage, la sagesse, de ne pas aller à ces réunions qui sont maintenues mais auxquelles il est peut-être mieux que je n'aille pas ? Dimanche prochain (si ces mesures ne sont pas levées) aurai-je le courage de me faire remplacer pour la messe que je dois animer ?

Comment trouver la juste mesure entre ne pas me laisser angoisser par toutes ces mesures qui me tombent dessus d'un seul coup et la tentation de passer outre comme bien d'autres parce que ma santé d'aujourd'hui me donne l'orgueil de me croire invulnérable. Tentation de penser que je peux m'affranchir de ces mesures.

J'ai du mal à penser et accepter d'être tout simplement empêchée de faire ce que j'ai à faire, ce que j'ai l'habitude de faire et que j'aime.

Et si ce fichu coronavirus était une occasion de vivre autrement la messe du dimanche, la communion eucharistique, la fraternité, l'attention à l'autre, le partage, la prière ?... Et si cette année le Carême s'appelait coronavirus parce qu'il me bouscule vraiment dans mes habitudes et ma façon de vivre ?...



Prière du pape François à Notre-Dame du Divin Amour (11 mars 2020)