dimanche 26 février 2017

Comme un veilleur

Il est là devant moi,
emmitouflé jusqu'au sommet de la tête
avec son capuchon noir relevé.
Car le lieu finit par être frais
quand on y reste si longtemps,
sans bouger, à son âge.

Et mon regard et mon esprit
se laissent happer par lui
au détriment de l'Hôte du lieu
pour qui je suis venue.

Il ?
Un vieux moine
assis juste devant moi.
Évidemment il prie...
Mais encore ?
Qu'est-ce que ça veut dire prier
quand il fait ça des heures durant,
tous les jours que Dieu lui donne ?
Dirait-il, comme le paysan du saint Curé d'Ars
"Je L'avise, et Il m'avise" ?

C'est quoi une prière de moine,
seul et silencieux ?
Et le dimanche, comme aujourd'hui,
c'est comme les autres jours ?
De l'horaire qu'on voit, nous, de passage,
c'est bien pareil.
Il est seul ici, dans l'église du monastère,
un dimanche, en plein après midi.
Et les autres, où sont-ils ?
Ses frères, que font-ils ?
Sa sérénité épouse celle du lieu
et devient contagieuse
soudain illuminée par un rayon de soleil perdu.

"Non, il ne dort pas, il ne sommeille pas
le gardien d'Israël" (Psaume 120)

Il veille,
et sa seule présence est apaisante.
Il était là avant moi,
et il y restera après,
comme un veilleur.


dimanche 12 février 2017

Se laisser toucher par la fragilité

Cette semaine j'ai suivi la session annuelle proposée aux religieux et religieuses de France au  Centre Sèvres, à Paris. Le thème en était : Vivre la vie religieuse dans un monde incertain.
Quatre jours denses et riches avec des intervenants de qualité dans différents domaines pour une approche large du sujet : Jean-Pierre Winter, psychanalyste, le Père Robert Scholtus, théologien du diocèse de Metz, le Père André Wénin, bibliste, Sœur Sylvie Robert, théologienne. Et des témoignages courageux et lucides d'expériences de fragilité.

Quelques jours après je suis riche de plusieurs pistes à explorer, mais une en particulier m'interpelle : cette invitation non seulement à ne pas fuir la fragilité, mais à oser porter mon regard sur elle. J'aime bien ce mot de fragilité, délicat et ouvert, qui balaie discrètement nombre de situations. Moins dur que pauvreté, vieillissement, maladie, diminution... Entendons la fragilité douloureuse, celle dont on se détourne naturellement, qu'on ne peut pas (veut pas) voir. La fragilité heureuse, porteuse d'avenir et d'espérance ne fait pas détourner le regard. La fragilité du nouveau-né ne fait pas peur, elle est germe de vie. La fragilité du malade, du vieillard, de la personne blessée, amochée fait peur. La fragilité de nos instituts religieux face à ce monde difficile et incertain fait peur. La paradoxale fragilité induite pas les nouvelles technologies, les cyber-sécurités, à la réflexion déstabilise. Alors on les fuit. Comme l'autruche on se cache la tête ou on la détourne pour ne pas voir.

Inévitablement cette fragilité de l'autre, que l'autre soit personne ou institution, agresse et déstabilise car elle renvoie à sa propre faiblesse.

Peu à peu, paisiblement, prendre conscience de ces protections qui nous habitent et nous caparaçonnent pour ne pas être confrontés à notre propre fragilité. Peu à peu, paisiblement, oser regarder en face ces fragilités et entrer dans le chemin qu'elles ouvrent.

Me laisser toucher par la fragilité pour me laisser toucher par ma fragilité... à moins que ce ne soit le contraire...


vendredi 3 février 2017

Jean ou le courage de la vérité

Ce commentaire d'évangile a été diffusé sur RCF Vendée ce vendredi 3 février 2017.

(Évangile selon St Marc, 6, 14-29)

Nous voici à nouveau avec un épisode bien connu de la vie de Jésus, ou plutôt de la vie de Jean-Baptiste.
Avec deux personnages principaux : Hérode et Jean le Baptiste.
Dans les lignes qui précèdent ce passage St Marc nous parle de Jésus sur les routes de Galilée, enseignant, guérissant, faisant quelques miracles. Jésus commence à faire parler de lui et cela arrive aux oreilles du roi Hérode. On ne sait pas bien encore qui est cet homme qui fait parler de lui. Jean, celui qui baptisait, serait ressuscité ? Serait-ce le prophète Elie ? Un autre prophète ?...
De ces rumeurs Hérode retient celle de Jean le Baptiste. Il a un passé pour le moins douloureux avec Jean : il a sa mort sur la conscience et ça doit bien le harceler. Voilà donc Hérode à nouveau face à lui-même, face à sa conscience.

Vitrail église St Jean-Baptiste - Fontenay-le-Comte
Hérode savait que Jean était un prophète et il aimait bien l'écouter (avec plaisir précise Marc) même si ses paroles le dérangeaient. Jean lui avait reproché d'avoir pris la femme de son frère et cela avait particulièrement irrité celle-ci qui avait décidé de le faire mourir.
Profitant d'un serment d'Hérode en public Hérodiade va demander la tête de Jean. Hérode est au pied du mur. S'il avait été fidèle à sa conscience il aurait dû renoncer, quoi qu'il en coûte, à un serment fait devant ses admirateurs.

Qu'en est-il de nos décisions et de nos choix quand notre liberté intérieure est mise à contribution ? À quel engagement, à quelle prise de position mon baptême m'appelle-t-il mais auquel je résiste par peur du qu'en dira-t-on ?

Jean a été le précurseur de Jésus dans toute sa vie :
en naissant il a témoigné que le Christ allait naître
en prêchant que le Christ allait prêcher
en baptisant, qu'il allait baptiser
en souffrant le premier sa passion Jean le Baptiste signifiait que le Christ devait lui aussi souffrir.
Jean qui appelait à la conversion et à la pénitence a été témoin de la vérité jusqu'à en mourir.

A quoi nous renvoie aujourd'hui Jean le précurseur ?
Baptisés nous sommes devenus témoins de Jésus. Vivre en témoin de l'amour du Père n'est pas toujours facile. Quels témoins sommes-nous appelés à être dans/malgré les ambigüités de nos existences ?

jeudi 2 février 2017

Mes yeux ont vu ton salut

Ce commentaire d'évangile a été diffusé sur RCF Vendée ce jeudi 2 février 2017.


Évangile selon St Luc 2, 22-40)
Fête de la Présentation de Jésus au Temple

En cette fête de la Présentation de Jésus au Temple et avec cet évangile nous retrouvons l'enfance de Jésus, dernier signe de Noël. C'est peut-être pour cela qu'en certains lieux on laisse la crèche jusqu'à ce jour…

Et que voit-on dans cet évangile ?
Un tout jeune couple qui vient au Temple présenter et offrir au Seigneur son bébé comme le veut la Loi.
Comme il insiste, St Luc, sur cet accomplissement de la Loi ! Pas moins de 4 fois dans la 1ère partie et une autre fois à la fin.
Joseph et Marie se soumettent à la loi comme tout le monde. La filiation divine de Jésus ne les en dispense pas. Une mission, une responsabilité ne dispense pas de respecter le règlement.

Nous voyons aussi 2 vieillards, au soir de leur vie. Toute leur vie Syméon et Anne ont attendu le Sauveur, dans la prière.
De Syméon Luc dit que c'était une homme juste. De cette justice (justesse ?) au sens biblique qui consiste à s'ajuster à Dieu, à reconnaître sa volonté et y répondre dans le concret de la vie.

Sous l'action de l'Esprit, Syméon reconnait dans ce geste tout simple de l'offrande de Marie et Joseph le Salut annoncé, en ce bébé il reconnait le Sauveur, le Messie, la lumière qui vient éclairer les nations. Témoin de cette merveille il chante un cantique d'action de grâce que l'Église reprend chaque soir à la fin des Complies dans la liturgie des heures, le Nunc Dimittis : "Maintenait ô maître souverain tu peux laisser s'en aller ton serviteur, en paix selon ta parole…".

Cette lumière elle est aussi dans nos célébrations de ce jour avec la procession et la bénédiction des cierges, rappel de notre baptême.

Dans notre vie de tous les jours nous pouvons laisser Dieu venir nous rencontrer, dans le silence et la simplicité. Comme Joseph, Marie, Syméon, Anne regardant l’enfant, apprendre à voir l’extraordinaire dans l’ordinaire. Rendre, par notre foi et notre amour, les choses ordinaires extraordinaires.

Il y a tout juste 20 ans cette année, St Jean Paul II faisait de cette fête de la Présentation la journée de la Vie consacrée. Journée sous le signe de l'action de grâces pour mieux faire connaître et apprécier la vie consacré et invitation pour les consacrés à célébrer les merveilles que le Seigneur fait pour eux. C'est donc une journée particulière pour toute personne consacrée qui, inspirée par le don du Christ aspire à son tour à donner sa vie et à tout quitter pour marcher à sa suite.
Bonne fête à toutes, à tous les consacrés !


Nunc dimittis (Taizé)




mercredi 1 février 2017

Nul n'est prophète en son pays

Ce commentaire d'évangile a été diffusé sur RCF Vendée ce mercredi 1er février 2017.


(Évangile selon St Marc, 6, 1-6)

Et Le voilà de retour au pays ! Il a arpenté la Galilée, enseigné, parlé en parabole, il en a expliqué quelques-unes, guéri des malades et ça c'est plutôt bien passé. Et là il rentre à la maison. Il est chez lui, il connaît bien les gens et c'est réciproque eux aussi le connaissent bien.
Comme il se doit, le jour du sabbat il va à la synagogue et voilà que lorsqu'il se met à enseigner ça ne va plus du tout. Il choque ses auditeurs, il les choque même profondément insiste St Marc. Qu'a-t-il donc pu leur dire pour susciter une telle réaction ? Quelles paroles dérangeantes ? Jésus devient chez lui pierre d'achoppement sur laquelle les siens butent.
Ils restent sur un regard humain de leur connaissance de Jésus : le charpentier, le fils de Marie, ses frères, ses sœurs sont bien de chez nous…
Cet homme qu'ils croient connaître leur parle aujourd'hui en Fils de Dieu. Il y a un pas à faire pour le reconnaître Fils de Dieu, Sauveur. Et ce pas c'est la foi.
La foi, hier comme aujourd'hui, c'est reconnaitre la présence divine de Jésus dans la vie ordinaire de chaque jour, dans les personnes rencontrées au quotidien, c'est changer notre regard.

Si les proches de Jésus sont choqués, lui-même est étonné et "il ne pouvait accomplir aucun miracle" nous dit St Marc. Il ne pouvait accomplir aucun miracle, mais pourtant il a fait quelques guérisons. Alors ces guérisons ne sont donc pas des miracles ?

Ce manque de foi des interlocuteurs de Jésus est un obstacle majeur pour reconnaître ses actes de puissance, des miracles, mais ce manque de foi ne peut empêcher la puissance libératrice à l'œuvre en Jésus de se manifester. C'est pourquoi il a pu faire quelques guérisons.

Le miracle suppose la foi. Jésus ne peut nous sauver sans notre participation. "Je t'ai créé sans toi, je ne te sauverai pas sans toi" disait St Augustin.